9 septembre 2016, 16h12
Le berkelium, appartenant à la série des actinides a un numéro atomique Z=97. Il se désintègre en californium (Z=98) en émettant un électron à raison de 1.2% par semaine et ce dernier se désintègre en émettant des radiations gammas très intenses. Tout comme pour les éléments de la série des terres rares, les liaisons sont plutôt ioniques (à la différence des actinides légers jusque l'américium (Z=95) qui sont assez covalents) et les nombres de coordinations sont élevés. Comprendre la chimie et plus particulièrement la chimie de coordination est un vrai défi sociétal mais aussi scientifique. Expérimentalement, les conditions extrêmes de sécurité et la manipulation d'un tel élément sont de véritables défis. D'un point de vue théorique, en chimie computationnelle in silico, la notion de radioactivité n'est pas du tout problématique mais le traitement correct des effets de la relativité, du grand nombre d'électrons… rend la tâche ardue. C'est toutefois ces challenges qui ont été relevés par des équipes expérimentales américaines (Professeur Albert-Schmitt, Florida State University) et des équipes théoriques (Professeur Laurent Maron, Laboratoire de Physique et Chimie des Nano-objets et Prof Autschbach, State University of New York - Buffalo). Dans cette étude mêlant expérience et théorie, un véritable tour de force a été réalisé. Tout d'abord, il a été possible d'obtenir une structure solide par diffraction des rayons X pour 2 complexes du berkelium (voir illustration centrale : a) berkelium(III) tris dipicolinate (Bk(HDPA)3) et b) berkelium(III) borate (Bk(borate)). Dans un second temps, les études théoriques ont permis de comprendre la nature des liaisons dans de tels complexes et de les comparer avec d'autres complexes homologues d'actinides. Au final, contrairement à la croyance initiale, les propriétés du berkelium sont très différentes de celles de terres rares et sont très étonnantes. La nature des liaisons ressemblent à celles obtenues pour un actinide plus léger, le curium (Z=96), alors que le nombre de liaisons et de coordination ressemblent à celui du produit de désintégration le californium. Cette étude ouvre donc de nouvelles perspectives dans le domaine du retraitement des déchets nucléaires mais aussi d'un point de vue fondamental renforce l'idée de la validité des simulations numériques à l'échelle atomique et moléculaire pour des études sur des composés dangereux.
Référence : Characterization of berkelium(III) dipicolinate and borate compounds in solution and the solid state, Mark A. Silver, Samantha K. Cary, Jason A. Johnson, Ryan E. Baumbach, Alexandra A. Arico, Morgan Luckey, Matthew Urban, Jamie C. Wang, Matthew J. Polinski, Alexander Chemey, Guokui Liu, Kuan-Wen Chen, Shelley M. Van Cleve, Matthew L. Marsh, Teresa M. Eaton, Lambertus J. van de Burgt, Ashley L. Gray, David E. Hobart, Kenneth Hanson, Laurent Maron, Frédéric Gendron, Jochen Autschbach, Manfred Speldrich, Paul Kögerler, Ping Yang, Jenifer Braley,† Thomas E. Albrecht-Schmitt, Science 353 (6302) doi : 10.1126/science.aaf3762
Contact : Laurent Maron, Professeur à l'université Toulouse III – Paul Sabatier Laboratoire de Physique et Chimie des Nano-objets (LPCNO - CNRS / INSA Toulouse / université Toulouse III – Paul Sabatier)