Dans les nanotubes de carbone bi-parois associés à la présence d'iode et d'acide chlorosulfonique, le transfert de charge permet d'augmenter jusqu'à un facteur 7 la conductivité. Les espèces dopantes déplacent le niveau de Fermi jusqu'à 1.1 eV sans modifier le libre parcours moyen électronique estimé à 30 nm. Des travaux combinant expériences d'optique et de transport et simulations en révèlent l'origine.
Deux stratégies permettent d'obtenir des fibres en nanotubes de carbone (NTC) très conductrice électriquement : (1) augmenter le libre parcours moyen électronique ou (2) augmenter le nombre de canaux de conduction électronique de chaque NTC en déplaçant le niveau de Fermi par transfert de charge.
L'acide chlorosulfonique (ACS) est un excellent dispersant des NTC. Si, lors de la fabrication de la fibre, des molécules d'ACS restent dans le matériau, elles permettent un transfert de charge qui conduit à un déplacement du niveau de Fermi de 0.7 eV. La conséquence est une augmentation d'un facteur 5 de la conductivité par rapport à un système composé uniquement de NTC. Ceci est également le cas de fibres en NTC pures imprégnées dans de l'iode pour lesquelles le gain en conductivité est un peu plus fort, jusqu'à un facteur 7, et où le niveau de Fermi se déplace de 1.1 eV.
A fort courant, les fibres de CNT s'échauffent par effet joule et les espèces chimiques (iode ou ACS) s'évaporent. Les fibres en NTC pures (dé-dopées) sont alors obtenues, ce qui permet le gain de conductivité.
Le déplacement du niveau de Fermi peut être mesuré dans les NTC bi-parois par spectrométrie Raman. La grande expérience des chercheurs du CEMES sur ce système et en spectrométrie Raman leur a permis d'extraire des informations fiables. En analysant les signaux Raman provenant des tubes internes et externes des NTC bi-parois, ils ont pu déterminer le transfert de charge, et pour les forts dopages, de convertir ce transfert de charge en déplacement du niveau de Fermi. Pour la première fois, il a été possible de poursuivre l'analyse en termes de libre parcours moyen pour des CNT non défectueux. Une valeur d'environ 30nm a été obtenue qui est indépendante du taux de dopage.
Le processus de transfert de charge dans les NTCs dopés avec de l'ACS est assez évident, alors qu'aucune explication convaincante n'a été publiée pour les NTCs dopés à l'iode. Des calculs quantiques ont alors été réalisés pour simuler des systèmes comportant typiquement 500 atomes et étudier l'arrangement des atomes d'iodes dans le NTC. Contraints par la géométrie de rester alignés, ces calculs montrent qu'ils forment des chaines qui se polarisent (6 atomes d'iodes forment 2 tri-iodures en contact par exemple) et ainsi, permettent la formation d'un très grand nombre d'ions, le contre ion étant le NTC lui-même expliquant par là le transfert de charge observé.
Les travaux de synthèse, de caractérisations optiques et électriques et de simulation ont été réalisés dans le cadre du travail de trois doctorants et ont associé dans leur domaine d'expertise des chercheurs de laboratoires Toulousains Français (CEMES, LPCNO, CIRIMAT) et des États-Unis (Universités de Rensselaer et Rice University).
Pascal Puech, Pascal.Puech chez cemes.fr