Les alliages de FeRh et MnAs ont la particularité de présenter une transition magnétique en fonction de la température. Les mécanismes de cette transition ont surtout été étudiés en surface des films sans visualisation de la réorganisation magnétique en volume. Pour la première fois, l'utilisation de l'holographie électronique in situ sur des couches minces de ces alliages a permis de mettre en évidence et de comprendre les effets des discontinuités et des défauts sur la transition magnétique à l'échelle nanométrique.
Le contrôle d'un état magnétique par activation thermique ou électrique est indispensable pour le développement de nouveaux dispositifs magnétiques, tels que ceux envisagés pour l'enregistrement thermiquement activé ou assisté électriquement. Des composés tels que FeRh ou MnAs, qui présentent des transitions magnétiques proches de la température ambiante d'un état ferromagnétique vers un état d'aimantation globale nulle (antiferromagnétique ou paramagnétique), sont pressentis pour de telles applications. Cependant, les mécanismes impliqués dans ces transitions sont encore très controversés et ne sont étudiés qu'en surface sans visualisation de l'ordre magnétique en volume.
Dans cette étude, des couches minces épitaxiales de FeRh et MnAs ont été observées en section transverse par holographie électronique in situ associée à un contrôle de la température. L'induction magnétique de ces alliages a ainsi pu être quantitativement cartographiée avec une résolution spatiale proche du nanomètre lors des transitions magnétiques. Nous avons démontré la possibilité de mesurer très localement un cycle d'aimantation en fonction de la température. Cette approche a révélé pour les deux alliages une répartition spatiale inhomogène de la température de transition magnétique le long de l'axe de croissance mais aussi une variation de la gamme de température nécessaire pour réaliser la transition complète des couches. Ces résultats mettent en évidence les effets de la surface des films mais aussi de leur interface avec le substrat. Dans le cas de FeRh, nous avons en outre observé un mécanisme inattendu de transition avec l'apparition de domaines ferromagnétiques périodiques lors de leur nucléation dans la matrice antiferromagnétique suivi de leur extension spatiale dans le plan de la couche. Pour MnAs, nous avons démontré l'existence de deux types de domaines ferromagnétiques lors de la transition, chacun présentant une anisotropie magnétique et une extension spatiale propres. Une de ces familles de domaines joue un rôle particulièrement important dans la stabilisation des parois magnétiques.
Au-delà de ces résultats sur les mécanismes de transition fondamentaux, notre travail apporte une nouvelle illustration de l'intérêt du développement des expériences d'holographie électronique sous sollicitation, ici par le contrôle de la température. Le développement d'études similaires sous champ électrique apportera des informations sur le couplage magnéto-électrique dans des composés multiferroïques.
Ce projet a été soutenu par l'ANR EMMa (ANR12 BS10 013 01).
C. Gatel, B. Warot-Fonrose, N. Biziere, L.-A. Rodriguez, D. Reyes, R. Cours, M. Castiella, M.-J. Casanove, “ Inhomogeneous spatial distribution of the magnetic transition in an iron-rhodium thin film ”, Nature Communications (2017), doi:10.1038/ncomms15703.
C. Gatel, X. Fu, V. Serin, M. Eddrief, V. Etgens and B. Warot-Fonrose “ In depth spatially inhomogeneous phase transition in epitaxial MnAs film on GaAs(001) ”, Nano Letters 17, pp 2460-2466 (2017)
Christophe GATEL, CEMES (CNRS)
gatel chez cemes.fr, 05 67 52 43 49
Bénédicte WAROT, CEMES (CNRS)
warot chez cemes.fr, 05 67 52 43 48
Lire l'actualité sur le site web de l'Institut de Physique du CNRS.